ma jeunesse a la colonne randon

Les Pionniers

 

 

                                                                                                          LES  PIONNIERS

 

                                                                                                                              Par Louis  Arnaud

 

 

  L'œuvre française, dans ce Pays, ne peut apparaître dans sa réelle grandeur que si l'on est à même de mesurer exactement l'importance des efforts qu'il a fallu accomplir pour vaincre les difficultés innombrables et diverses, mais toujours graves, qui se sont dressées sur la route des premiers habitants de ce joli coin de terre africaine.
          Avant 1830, la Ville et la campagne avaient eu, sans doute, un aspect florissant. C'était, disait on " la région la plus fertile de la Barbarie ".
          Mais, après deux années de siège, aggravé par la destruction systématique poursuivie par les soldats de Ben-Aïssa, des beaux jardins qui fournissaient autrefois des vivres frais aux habitants de la Ville, et par le découragement de ceux-ci qui n'avaient plus de matériaux pour entretenir et réparer leurs demeures, elle offrait un spectacle désolant.
          Les maisons étaient en ruines, et les rues, au dire d'un contemporain, étaient encombrées de rats morts et d'immondices de toutes sortes, excréments et victuailles en putréfaction.
          C'était un véritable cloaque où vivaient quinze cents habitants.
          Ainsi, se présentait, en cette fin de mars 1832, la Ville où venaient d'aborder les marins de la " Béarnaise ".

          Moins de deux mois après, le 16 mai 1832, le Corps expéditionnaire du Général d'Uzer arrivait de Toulon.
          L'effectif de la garnison qui ne comportait jusqu'alors que les six cens hommes commandés par le Capitaine d'Armandy atteignit de ce fait d'un seul coup le chiffre de cinq mille hommes.
          C'était vraiment plus que n'en pouvait loger et nourrir cette pauvre Ville délabrée, sale, presque sans ressources et même, sans eau potable.
          La situation sanitaire devint vite alarmante.

          Du 1°' juin au 30 septembre 1833, un an après l'arrivée du Général d'Uzer, 4.097 hommes, dont 36 officiers étaient entrés à l'hôpital, et 830 y étaient décédés.
          Le seul 55""' de Ligne, dont l'effectif normal atteignait 2.430 hommes ; n'en avait plus 500 de disponibles.
          A la fin de 1833, après vingt mois d'occupation française, l'aspect général de la ville, et de son alentour, n'avait guère changé.
          Tout était sordide, laid et sale. Aucun jardin n'avait été créé pour remplacer ceux qui avaient été détruits, et les marécages subsistaient toujours empuantissant l'air et propageant le paludisme.
          La population européenne comptait à peine huit cents habitants parmi lesquels les Français étaient en minorité en face des Maltais et des Mahonnais.
          Le peuplement du nouveau territoire français, on le voit, se faisait avec une extrême lenteur ; on pourrait même dire qu'il ne se faisait pas du tout, puisque dans cette minorité de Français, il fallait comprendre les fonctionnaires civils qui avaient été envoyés par le Gouvernement pour servir en Algérie, et qui regagneraient sûrement la France à la fin de leur mission.
          Le zèle des Tribus rebelles finissant par se ralentir, sans pourtant s'apaiser encore, le Général d'Uzer voulut bien tourner son attention vers cet état sanitaire déficient, si préjudiciable à la colonisation du Pays, car il était impossible de retenir dans des lieux aussi désagréables et insalubres, le moindre élément de peuplement français.
          Le Commandant de la Subdivision, dès la fin de cette année 1833, entreprit donc d'améliorer l'état de la Ville et de la petite plaine qui l'environnait.
          Les rues furent réparées et alignées dans la mesure du possible. Les égouts nettoyés et les chaussées mieux entretenues permirent d'espérer que ces à peine suffisantes réformes rendraient plus supportable le séjour de la Ville, et encourageraient la venue d'éléments nouveaux dans la population.

          Hélas, ces remèdes n'eurent pas grand succès. L'insalubrité persistait et les maladies continuaient de décimer la population. Les civils, cette fois, étaient plus atteints que les militaires, particulièrement surveillés par les médecins de l'armée.
          C'est à ce moment là, en 1834, que le Docteur Maillot, médecin chef de l'hôpital militaire, expérimenta, pour la première fois, l'emploi de la quinine pour combattre l'horrible fléau que constituait la malaria.
          L'emploi de l'absinthe pour couper l'eau des rivières, et la rendre moins nocive, avait aussi été préconisé. Mais il était arrivé, ce qui était fatal, que ceux que l'on voulait immuniser ainsi contre les fièvres étaient rapidement la proie de l'alcoolisme qui fit alors dans la population des ravages presque aussi graves que le paludisme.
          L'insécurité des environs demeurait malgré les mesures prises par le Général d'Uzer. Il était interdit aux habitants de sortir de l'enceinte et de s'aventurer dans la campagne.
          Quel attrait pouvait bien avoir, dans de telles conditions, le séjour dans cette nouvelle cité française ? Rien ne pouvait aider à combattre le spleen et l'ennui, ni à surmonter la dépression morale qui s'emparait peu à peu de chacun.
          Véritables reclus, les habitants étaient condamnés à circuler, toujours, et sans cesse, par les mêmes ruelles tortueuses, montantes et poussiéreuses, sans avoir le droit d'espérer qu'ils pourraient, un jour, avoir la liberté de s'évader vers la campagne.
          C'était une vie infernale, aussi triste et lassante que celle de ces prisonniers qui tournent en rond, deux par deux, par mesure d'hygiène et pour se détendre, dans le préau de leur prison pendant des heures déterminées.

          Le Général d'Uzer qui comprenait l'état d'âme de ses concitoyens, décida de créer un point de rassemblement au centre de la Ville, un mail comme en France, où ils pourraient se retrouver à certain moment de la journée.
          Le chef de la Subdivision voulut que la future grande place de Bône marquât bien le coeur de la Ville, et il choisit un terrain vague situé devant une Mosquée construite vers la fin du XVIIIème siècle, par Salah Bey de Constantine.
          Il fit procéder à la démolition de quelques vieilles masures situées autour de ce terrain trop étroit.
          Puis, des immeubles à arcades furent édifiés, qui entourèrent très correctement l'espace ainsi obtenu, sur trois côtés, tandis que la Mosquée occupait le quatrième.
          C'est ainsi que fut créée la Place d'Armes.
          Mais la Place qui pouvait évoquer certaines images de la vie française ne réussit pas, pour autant, à chasser l'ennui engendré par l'uniformité de l'existence, et la maussaderie du reste de la Ville.
          Les Français ne vinrent pas davantage se fixer dans ce Pays.

          Les Généraux Trézel et Guingret qui commandèrent à Bône après le départ du Général d'Uzer, n'ont pas eu le même souci que lui de l'administration et de salubrité de la Ville.
          Il est vrai qu'ils eurent à faire face à d'autres événements militaires dont la préparation de l'expédition de Constantine n'avait certainement pas dû être le moins important.
          C'est de Bône, en effet, comme on le sait, que le 27 septembre 1837, est partie la colonne commandée par le Duc de Nemours et le Général Damrémont pour aller mettre le siège devant Constantine.
          La malpropreté et le désordre s'installèrent de nouveau dans la Ville. L'ivrognerie, le vol, les tapages nocturnes revinrent troubler la quiétude des habitants.

          La situation était telle qu'un officier de l'époque écrivait le 17 février 1838, lettre reproduite par M. René Bouyac dans son " Histoire de Bône ".
          "Il est temps, enfin, disait cet officier, de sortir de cet état de barbarie, en envoyant à Bône des Administrateurs à santé forte, à volonté ferme, et à grande persévérance.
          " Que l'on ne craigne pas de les récompenser et de " les soutenir, même dans les actes qui paraîtraient arbitraires en France, et qui sont, ici, nécessaires pour organiser l'ordre au milieu de fainéants et de voleurs.
          " Nous avons des marais pendant six mois, et une sécheresse absolue pendant six autres.
          " Tels sont les résultats du désordre dans lequel on se débat depuis six ans à Bône pour ne pas avoir eu l'idée fixe sur la position à occuper, et un plan de conduite invariable ".
          Naturellement, cette situation lamentable était connue dans la Métropole, où parvenaient, sans doute, des quantités de lettres de fonctionnaires et d'officiers semblables à celle ci.
          Il est compréhensible, dès lors, qu'il n'y ait eu que très peu d'engouement chez les Français pour les " Nouvelles possessions françaises d'Afrique ".
          Ce qui était particulièrement pénible, c'était cette absence totale de plan de colonisation et de volonté directrice chez ceux qui avaient assumé la charge d'intégrer l'Algérie dans le cadre de la Civilisation et de l'économie métropolitaines.

          Pendant ce temps là, des Français venus sur notre rive africaine, mouraient de fièvres ou d'ennui, en maudissant la France qui leur avait fait croire que l'Algérie allait être pour eux un nouvel Eldorado.
          Ainsi, la vie bônoise se traînait, depuis dix années, dans les marécages, les immondices, l'ennui et la désespérance lorsque le Général Randon vint prendre, le 4 octobre 1841, le commandement de la Subdivision.
          Il y a vraiment, de par le monde, des hommes prédestinés dont les dons naturels et les qualités innées se manifestent spontanément, dès que les circonstances s'y prêtent.
          Le Général Randon n'avait été jusque là, qu'un militaire, un militaire remarquable comme Trézel, de Castellane et Guingret qui l'avaient précédé dans ce commandement.
          Mais dès qu'il fut à la tête de la Subdivision de Bône, il se révéla grand Administrateur autant que grand soldat.
          Il su parfaitement, pendant les six années qu'il devait demeurer à ce poste, mener de front les tâches primordiales qui s'imposaient au chef de la Subdivision, organiser la vie de la Cité, améliorer les conditions de séjour des habitants, et achever la pacification de la région.
          Les habitants qui commençaient à se laisser aller au découragement, se reprirent à espérer et mirent toute leur confiance en lui. Il devint comme leur Dieu, et ils l'appelèrent du seul nom, plus terrestre et plus humain, qui pouvait donner la mesure de leur foi en lui : " Le Père de Bône ".

          Lorsqu'il partit, six ans plus tard, le 7 Juillet 1847, ce fut comme un grand deuil, une catastrophe immense qui s'abattait sur la Ville. Toute la population l'accompagna au bateau et beaucoup ne purent s'empêcher de manifester leurs regrets et leur tristesse.
          Certes, le Général Randon s'était efforcé à rendre la Ville plus habitable et plus gaie.
          Il avait combattu le paludisme en essayant d'assécher les marécages autour de la Ville.
          Il avait ramené la sécurité dans la campagne immédiate en construisant la route de l'Edough, afin de permettre aux petits jardiniers d'être en sécurité et de travailler au ravitaillement de la Ville.
          C'est grâce à cette route de l'Edough, on le sait, que le Faubourg de la Colonne pu se former.
          Cette agglomération est devenue le populeux Faubourg qui porte aujourd'hui le nom de celui qui a présidé à sa fondation.
          En ville, le Général s'était efforcé par tous les moyens à rendre plus supportable le séjour de ses concitoyens.
          La nature était belle et clémente. Mais était ce suffisant pour retenir des fonctionnaires jeunes, vigoureux et ardents, sur le sol algérien ?
          N'étaient ils pas trop exposés à l'emprise du spleen, ce mal sournois et indéfinissable du coeur et de l'esprit fait d'un mélange de tendres souvenirs de temps heureux et du morne ennui du présent.

          Il fallait donc aider à vaincre l'ennui, à chasser la nostalgie.
          Et pour cela, rompre la monotonie d'une vie sans attrait, il organisait des fêtes et des réunions à l'Hôtel de la Subdivision auxquelles il conviait presque toute la Ville, civils et militaires, qui étaient ses invités, au même titre.
          Les échos mondains de " La Seybouse ", journal de Bône, redisaient, ensuite, le grand succès remporté par ces réceptions et ces bals organisés par le Général dans le seul but de divertir une population qui risquait de s'enliser dans la neurasthénie.
          Les soirées de M. le Général ont été terminées par " un bal travesti, des plus brillants, disait " La Seybouse " du 4 mars 1846. Les costumes des dames étaient d'un goût et d'une élégance irréprochables. Parmi les hommes, les costumes étaient généralement trop sévères, trop graves.
          " Les danses ont été très animées ",
          On sent presque de la tristesse dans ces lignes simples et naïves.
          Et c'était la même impression qui perçait à travers les autres relations de fêtes semblables, car les officiers, ou les civils, pour suivre l'impulsion donnée par le Général, organisaient, tour à tour, des bals dans les grands cafés de la Ville.
          Tel ce compte rendu qui suivait un bal donné un soir d'hiver, dans la salle du grand café Ours, à la Place d'Armes
          " Les dames n'avaient point besoin, pour s'y rendre, disait le journal, de chausser les bottes de leur mari. Des chaises à porteurs avaient été mises à leur disposition. Toutes en ont profité ; les porteurs ont dû faire douze voyages.
          " La salle décorée avec goût était délicieuse de fraîcheur.
          " L'orchestre habilement dirigé par M. Sulot, rappelait l'entrain des bals de Paris ".
          L'entrain des bals de Paris ", cela s'appelle bien dorer la pilule pour qu'elle soit moins amère ou plus acceptable.

          Il fallait ces grossières illusions pour donner un peu de goût à la vie étriquée de ces pauvres habitants qui bravaient le vent, la pluie et la boue, pour venir se retrouver ensemble, et qui, sans chaises à porteurs, n'auraient pas pu passer par des rues impraticables.
          Cela devait rappeler l'entrain des bals parisiens comme une caricature grotesque peut rappeler un personnage important.
          La haute Société bônoise aussi cherchait à créer l'illusion du plaisir.
          " La Seybouse " parlant dans le même temps d'un bal donné dans les salons de Madame A..., expliquait à ses lecteurs que de " telles soirées laissaient dans l'esprit des visiteurs des souvenirs si agréables, que chacun, en se retirant, faisait des voeux pour qu'on en donnasse toujours de semblables ".
          Pour remplir le vide des autres soirées qui n'étaient pas consacrées à ces bals et à ces réceptions, il y avait le théâtre. Mais quel théâtre... Une salle étroite et basse, mal aérée, sans acoustique, et tout à fait incommode, telle était la salle de la rue de Tunis où se donnaient les représentations.
          Les dimanches, dans la Journée, on pouvait, depuis que le Général Randon avait assuré la sécurité de la banlieue, organiser des sorties et des pique piques. La chronique signalait encore cette propension en ces termes
          Les parties de campagnes sont devenues de mode. " Les dîners sur l'herbe, les rendez vous à la Bastide, la promenade aux petits jardins qui bordent les routes de la Fontaine et de l'Edough, procurent hors des murs, des distractions qui, le dimanche, rendent la ville d'une monotonie, d'une tristesse désespérante ".
          Ces bals, ces réunions, ces fêtes improvisées à tout propos et à la moindre occasion, ces parties de campagne ne constituaient pas, hélas, des divertissements au sens réel du mot, c'étaient à peine des diversions.
          La vie matérielle, même, pour les célibataires, était extrêmement difficile, si l'on en juge par cette constatation que l'on trouve dans la " Seybouse " du 14 juin 1846
          " Les gens qui n'ont ni ménage, ni pension bourgeoise sont très embarrassés de pouvoir se nourrir dans les restaurants de Bône ".
          On comprend alors que les Français aient été si peu enclins à venir se fixer à Bône.

          II y eut, une année, l'année 1848, où non seulement il n'en vint pas un seul pour demeurer, mais au contraire, où il en partit deux de plus qu'il n'en était arrivés. La statistique de l'année 1846 publiés par la " Seybouse ", le 14 février 1847, nous apprend, en effet, qu'au cours de cette année qui venait de s'écouler, il était arrivé à Bône 871 Français par les paquebots de l'Etat, et qu'il en était parti 873.
          Dans cette ville ravagée, saccagée par les hordes de Ben-Aïssa, tombée en ruine faute d'entretien, à peine reconstruite, dont les environs n'étaient ni sûrs, ni même praticables, où la maladie planait sur chaque habitant, les Jeunes fonctionnaires éprouvaient fatalement la nostalgie des régions paisibles, riantes et salubres de la " Doulce France " qu'ils venaient à peine de quitter.
          Ils ne demandaient qu'à retraverser bien vite la Méditerranée pour aller les retrouver, oubliant les raisons qui les avaient attirés sur cette terre africaine qu'ils avaient imaginée pleine de poésie, d'exotisme et de mystère.
          Ils renonçaient, sans regrets, aux perspectives d'avancement qu'ils avaient escomptées, rien ne les retenant plus dans ce Pays, ils retournaient avec empressement dans la Métropole.
          Et l'on comprend, alors, que Flaubert ait pu noter dans le " Voyage à Carthage " qu'il avait entrepris pour aller rassembler sur place, à Tunis, les éléments de son célèbre roman " Salammbô ", ces impressions, brèves, caustiques et bien peu flatteuses pour notre Ville
          " Jeudi (22 avril 1858), débarqué à Bône. Plage d'où la mer se retire. Les chevaux se baignent à une grande distance du rivage.
          " C'est désert, bête et lamentable; les montagnes sont vertes.
          " Hippone, mamelon vert, dons une vallée entre deux montagnes s'inclinant un peu sur la gauche ".

          22 avril 1858... Il y avait vingt six ans que Bône était Française et vingt deux ans que mon grand père paternel était dans ce Pays.
          Mon père avait onze ans, et ma mère venait à peine d'entrer dans la vie, et tous deux, étaient nés dans ce lieu " désert, bête et lamentable ".
          Cette évocation de l'impression notée en passant par Flaubert en 1848, vient s'ajouter au sombre tableau des conditions dans lesquelles étaient contraints de vivre depuis 1832, les quelques Français qui avaient traversé la Méditerranée pour venir se fixer à Bône. Il est facile de se représenter ce qu'il a fallu à ces Français de ferme volonté et d'aveugle confiance dans l'avenir, ou tout simplement de fierté nationale, pour demeurer dans cette région où tout était ingrat ; le climat, le sol, l'homme, et même la Patrie qui les oubliait parfois.
          Mon grand père paternel n'avait aucun lien matériel qui pouvait le retenir dans ce Pays, après sa retraite en 1865. Il s'était marié à Bône avec une fille de Draguignan. Ils auraient pu, tous deux, retourner dans ce joli département du Var où le ciel est si bleu, et l'air si embaumé par le parfum des fleurs, dont ils étaient originaires. Ils ont préféré demeurer sur cette terre algérienne dans laquelle ils dorment leur dernier sommeil.
          Mon grand père maternel, Jean Marie Rollier, était venu à Bône quelques années plus tard après avoir occupé le poste de Maître de port à Stora ; marié à Bône à une Arlésienne, il a renoncé lui aussi à sa Bretagne natale, et repose, ainsi que sa femme, dans notre cimetière bônois.
          C'est bien après l'avènement du second Empire, que les Métropolitains se sont révélés assez aventureux et assez courageux pour venir planter leur tente sur les bords de la Seybouse. Les mines du Marquis de Bassano acquises par la Compagnie du Mokta, leur permettaient, sans doute, de croire à l'avenir de Bône,
          Mais avant, lorsque la malaria disputait à l'ennui le droit de régner sur les habitants, combien étaient ils, hormis les militaires, les Français qui avaient choisi de vivre sous ce soleil trop brûlant, au milieu des moustiques et des voleurs, guettés aussi bien par une attaque ennemie que par un accès de paludisme.
          Et ces militaires, qui n'étaient venus que contraints et forcés, et qui, arrivés au terme de leur congé, avaient décidé de rester aux côtés des autres, les civils, bien rares, dont ils avaient pourtant vu les souffrances et connu les misères, n'on ils pas droit à une bonne part de la gratitude du Pays ?
          Ils ont, tous ensemble, pour le compte de la France, monté la garde sur ce rivage en attendant les renforts nécessaires pour faire, à force de travail, de volonté et d'intelligence, de cette " Plage d'où la mer se retire ", de ce lieu " désert, bête et lamentable ", la grande et belle Cité laborieuse et charmante, dont leurs descendants sont aujourd'hui si justement fiers.

          Ces braves gens, faméliques, peut être, mais têtus et courageux, sûrement, qui ont dû subir les injustices du sort et supporter toutes les souffrances pour assurer la permanence de la présence française, ont été les vrais pionniers de l'oeuvre admirable accomplie dans ce Pays.

 

 



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